This is Bora Mici's original short analysis in French of the reason why people like to imitate each other and want the same things. The conclusion indicates a different, more subtle, approach to life.
Je voudrais expliquer ici les causes latentes du désir mimétique, identifié comme concept par René Girard dans son livre éponyme. Le désir mimétique nous pousse à vouloir imiter les autres. A titre d’exemple, dans le cas de l’engouement pour les smartphones, on dirait que tout le monde a voulu le même produit en même temps, ce qui a explosé les ventes et a fait du smartphone un objet à la fois indispensable, pour les consommateurs, et rentable, pour les créateurs. Mais qu’est-ce qui se cache derrière cette impulsion de briguer tous les même choses en même temps, de se ruer comme des moutons de Panurge pour avoir du dernier cri? Tout d’abord il y a la vanité. Notre vanité et par conséquent notre estime de nous-mêmes dépend du regard d’autrui, comme l’a défini Jean-Paul Sartre au sein de sa philosophie existentialiste, qui veut que l’existence précède l’essence.
Tout simplement, on tire l’idée qu’on se fait de notre propre valeur de ce que nous pensons les autres pensent de nous. Au cours du déroulement de ce mécanisme subtil intersubjectif, on se plie à notre nature innée en tant qu’êtres sociaux, qui ont besoin de s’accorder pour mieux vivre ensemble et pour donner un sens aux choses de la vie. Donc, on essaie de nous cerner nous-mêmes à travers la façon qu’on perçoit que les autres nous cernent à leur tour, et comment ils cernent d’autres personnes encore. Cela fait un effet domino, et tout d’un coup, on se retrouve tous avec la même idée.
C’est en établissant des normes en commun et définissables qu’on est mieux placés pour réussir notre coexistence. En conséquence, on joue des rôles prédéterminés qui nous aident à établir et maintenir un ordre et souvent une hiérarchie sociale, c’est-à-dire on assigne des essences préalables à notre identité sociale. Ces rôles, selon Sartre, relèvent de la mauvaise foi. Par exemple, nous nous disons qu’on est des employés de banque, alors qu’avant tout, on devrait revendiquer notre liberté radicale et ne pas se conformer à l’ordre établi sans reflexion.
En même temps que nous souhaitons épater nos collègues par notre adhésion bien adaptée aux règles sociales, on reste aussi des êtres foncièrement individualistes qui veulent surpasser nos homologues. On assure donc notre primauté aux yeux de nos semblables en empruntant des chemins qui sont socialement acceptables, soit la concurrence sous-entendue et bien valorisée. Donc on va tout faire pour garder ou améliorer notre statut social parce que ça nous permet une meilleure situation économique et aussi un meilleur contrôle sur comment on est perçus, par les autres, mais surtout par nous mêmes. Un tel atout fait en sorte qu’on puisse mieux s’intégrer et donc satisfaire notre besoin social, et en même temps de se distinguer pour mieux nourrir notre envie de vaincre. On dit qu’on est notre pire critique, mais en même temps on est notre meilleur agent de pub, engendrant chez autrui le désir d’être comme nous, de vouloir ce qu’on possède, de se voir à travers nos yeux.
C’est pour toutes ces raisons qu’il faut plus se laisser absorber par le moment présent. On a moins d’attentes et on anticipe moins, deux façons d’exister qui sont anxiogènes, et que les smartphones par exemple suscitent en nous demandant d’être toujours connectés à un monde virtuel. On devrait par contre profiter pleinement de la vie, qui se déroule au présent. De toute façon, il faut aussi apprendre du passé et se projeter dans l’avenir parce que la vie en société l’exige, mais je pense qu’on devrait minimiser ces deux aspects de vivre et être plus sereins. Ce sont les querelles du passé qui nous hantent dans l’avenir et ce sont nos aspirations pour protéger notre propre avenir qui peuvent conduire à des guerres insensées. On devrait être moins rancuniers, moins égoïstes et plus généreux et indulgents. On doit comprendre que lorsque nous regardons dans les yeux d’autrui on cherche avant tout l’amour. Mais comme on ne sait pas aimer parfaitement puisque on est tous différents et avons vécus des expériences divergentes, on est toujours obligés de pardonner à autrui et de faire de notre mieux pour communiquer avec honnêteté. Après tout, la vie en société est une projection en continu.